Le temps ne participa pas à cette vague de découverte et de bonne humeur. Il faisait gris et l’air s’humidifiait lentement. Cela ne posa pas problème à Galatea lorsqu’il fallut s’arrêter pour se reposer durant la nuit.

« Ne t’inquiète pas Gabrielle, nous pouvons installer le campement en plein air. Il ne pleuvra pas ce soir. » avait-elle assuré lorsqu’elle désigna l’endroit qui les accueillerait pour cette halte.

« De toute manière, nous sommes près d’une caverne, si ce que j’avance se révèle incorrect, nous aurons de quoi nous abriter. Je ne sais pas toi mais moi je préfère rester à l’air libre. »

Elles se trouvaient sur un plateau volcanique dont le sol, d’un noir épais, abritait de grands sapins. Gabrielle se chargea de trouver du bois pour allumer un feu tandis que Galatea s’empara de la boite en osier et se retira à l’intérieur de la caverne. Dès que la besogne de l’éclairage et du chauffage fut terminée, l’amazone se concentra sur le repas du soir. Malheureusement, le paysage désolé n’indiquait pas qu’une présence animale quelconque vivait ici, il faudrait se contenter des restes de fromage de la veille avec du pain dur. Ce ne fut pas un énorme soucis pour la barde parce qu’elle s’imaginait déjà le lendemain en train de manger un festin dans la taverne de Karga. Elle installa les couvertures sur le sol et sortit de sa sacoche un parchemin sur lequel elle inscrivit les évènements de la journée. La nuit commençait à tomber. Un coup de vent emporta le bout de parchemin sur lequel elle écrivait. Elle leva alors la tête pour distinguer clairement dans le ciel un magnifique arc-en-ciel et récupéra son précieux écrit. Mais la fatigue l’emporta finalement car elle se glissa dessous l’une des couvertures sans même attendre le retour de son amie. Ses yeux se fermèrent tous seuls et elle s’envola pour le pays des songes.

Une main glaciale posée sur sa joue tira la barde de son sommeil. Une odeur familière l’y aida également. Alors qu’elle tentait de se sortir de la couverture en s’excitant, une voix douce lui susurra :

« Chhhuuuuuuutttt… Calme-toi mon ange… tout va bien… je suis là. »

Il n’en fallut pas plus pour que Gabrielle se redresse précipitamment et focalise son attention sur la forme plongée dans la pénombre qui se tenait à ses côtés. Elle sursauta lorsque ses pupilles dilatées lui permirent de détailler enfin la présence étrangère.

« Gala… » grogna t’elle dans un premier temps.

Il s’agissait effectivement de la grande femme brune, dont les yeux bleu ciel brillaient au clair de lune. Pourquoi donc Galatea l’ennuyait-elle alors que Morphée lui avait fait cadeau d’un aussi beau rêve… où elle se gavait de pain aux noix et dès qu’une miche était finie, après avoir été avalée goulûment, une nouvelle apparaissait comme par magie pour la remplacer.

« Je retourne à mes miches Gala, laisse-moi donc tranquille… » s’énerva t’elle.

Elle récupéra la couverture qu’elle avait eu tant de mal à enlever, et se faufila dessous, un filet de bave jaillissant de sa bouche…

« Je me demande de quelles miches tu parles… »

Une petite tête blonde endormie ressortit de dessous la couverture soudainement, et ouvrit de grands yeux ronds. Non, elle ne rêvait pas, Gabrielle avait bien entendue la voix de Xena ! Mais ces yeux se refermèrent instantanément.

« Tu es en train de rêver ma pauvre Gaby… » glissa la barde entre ses dents pour elle-même.

Une nouvelle attaque de la main gelée l’obligea pourtant à bel et bien se réveiller afin de répliquer cette fois-ci avec un peu plus de rigueur. Elle se saisit d’une de ses sais qu’elle avait posée tout près et la positionna dans sa main afin que le manche soit dirigé contre la fauteuse de troubles. Elle se retourna alors vivement et dirigea la sais vers la tête de cette dernière. Elle n’avait pas l’intention de porter le coup jusqu’au bout, mais seulement d’impressionner suffisamment son amie pour lui faire comprendre qu’elle n’était pas d’humeur… La réaction retour ne fut pas celle attendue. Gabrielle se rendit compte qu’elle ne tenait plus la sais. Ç’en était trop ! Elle se leva afin de faire face de toute sa hauteur à celle qui l’empêchait de dormir. Elle commença un petit discours « Franchement Gala, je ne vois pas pourquoi tu veux me réveiller ! Explique-moi au moins ! S’il y a un danger je comprendrais, tu sais ! Pas de cachotteries avec m… » qui fut coupé net.

Non, ce n’était pas Galatea même si elle portait ses vêtements, elle en était certaine maintenant. Pas avec ce regard là. Gabrielle resta figée sur place.

« Tu en as mis du temps dis… Je te connais plus spontanée d’ordinaire… » 

« Xe… Xena ? c’est bien toi ?  Mais co… co… comment est-ce possible ? » bégaya Gabrielle.

« Je suis là, c’est tout ce qui compte pour l’instant. Mais le plus important… Je t’apporte un message. »

Gabrielle ne put résister, elle se jeta au cou de la femme et l’embrassa longuement. Oui, il n’y avait plus aucun doute possible, c’était bien sa Xena, l’unique, la seule.

« Gabrielle, s’il te plait, je ne sais pas combien de temps je… »

La barde n’avait pas l’intention de perdre ce précieux temps à papoter. Elle s’accroupit et déchira le pantalon de lin qui cachait les jambes de celle qu’elle voulait plus que tout à présent et remonta, le corps parcouru de frissons, le long de celles-ci en les couvrant de baisers.

« Gabrielle… »

La barde enleva ensuite la tunique qui gênait encore sa vue et recommença à embrasser à pleine bouche son amante, ses mains se baladant délicatement sur les fesses parfaites de la guerrière. La redécouverte de cet être perdu l’intimidait mais ne l’aurait sûrement pas arrêtée…

« Si tu le vois comme ça ! » se résigna Xena.

De ses bras musclés, elle enlaça la petite femme blonde qui était si heureuse de pouvoir lui montrer son amour. Pour cette nuit, elle n’aurait pas le contrôle sur cette petite furie… L’ivresse des retrouvailles passées, l’amazone installa confortablement son âme-sœur près du feu et contempla sa silhouette à la lumière des flammes. Elle caressa de ses doigts agiles chaque parcelle de peau. Puis, elle goûta à ses lèvres en savourant chaque seconde. Un premier baiser timide se transforma en une formidable ré appropriation des lieux.

Xena repoussa légèrement son amante afin de lui ôter à son tour ses vêtements. Une main s’occupa de cette tâche tandis que l’autre décrivait de petits mouvements circulaires sur le bas du ventre. Gabrielle trembla sous le toucher froid de sa compagne, mais celui-ci se réchauffa aisément sous le contact brûlant du corps désiré. Leurs deux corps nus se mêlèrent gracieusement pour n’en former plus qu’un. Gabrielle cala sa tête dans le long cou qui s’offrait et laissa sa langue divaguer sur ce terrain connu, sentant le pouls de Xena s’accélérer avec torpeur. Cette dernière aventura sa cuisse musclée dans l’entrejambe de la barde, joignant un mouvement du bassin d’une grande lenteur. Gabrielle en ressentit directement les effets avec l’arrivée d’une chaleur intense qui s’immisça dans cette partie du corps.

Sa tête migra vers le buste de Xena. De ses lèvres expertes, elle couvrit de baisers sa magnifique poitrine suivant les mouvements de va et vient produits en retour. Puis délicatement, elle se dirigea vers l’abdomen afin d’effleurer de sa langue la zone sensible. Xena gémissait de plaisir, ses yeux abandonnant de fines larmes luisantes, sous les caresses adroites de sa compagne. Gabrielle se délectait de ce son qui retentissait à son oreille comme une mélodie suave et vivifiante. Xena se décala lestement laissant sa dulcinée afficher un air soucieux. Mais cette expression s’estompa à la hâte tandis que la guerrière étendait à son tour, dos contre la couverture, l’aède.

« Je t’aime Gabrielle.»

« Je t’aime mon amour. »

Les deux femmes s’étreignirent longuement jusqu’à ce que leurs mains se dirigent à l’unisson dans les méandres moites de leur intimité. Engendrant chacune des allées et venues admirablement maîtrisées, une cadence tout d’abord paresseuse s’établit. Cela fit naître chez les deux jeunes amantes un murmure délicieux commun mêlant à la fois l’extase et l’excitation grimpante. Le rythme s’intensifia peu à peu. Le souffle de Gabrielle fusionnant parfaitement avec les gémissements homériques de Xena s’accrut jusqu’à ne plus pouvoir être émis. Xena jouit de volupté. Elles venaient d’atteindre le point de non-retour.

Gabrielle renversa le puissant corps encore tout tremblant de son âme-sœur, le recouvrit du sien et l’enlaça religieusement. C’était là qu’elle se sentait le plus en sécurité, dans les bras de cette femme que l’on appelait autrefois la destructrice des nations et qui était devenue sienne. Elle n’eut pas vraiment le temps de méditer sur cette idée que la fatigue l’emporta brusquement. Xena eut à peine le temps de lui chuchoter quelque chose à l’oreille.

Le lendemain matin, Galatea se réveilla brutalement. Elle éprouvait comme une pression intense dirigée contre sa personne. Elle ouvrit les yeux avec effort et constata qu’un bras inconnu était enroulé autour de sa taille. Se retournant sans faire de bruit, elle se rendit compte qu’il s’agissait de celui de Gabrielle. Au premier abord cela la fit rire. La barde était tellement mignonne lorsqu’elle dormait. Mais un détail gênant la contraria ensuite. Que Gabrielle se soit collée contre elle, c’était une chose, elle avait sûrement dut avoir froid durant la nuit… Mais qu’elle soit complètement nue en était une autre…

Galatea se retira promptement de son couchage imaginant ce qui avait pu se passer durant la nuit. Fort heureusement, elle portait ses vêtements… Alors qu’elle se demandait ce qui avait bien pu se passer, Gabrielle se réveilla à son tour, affichant un minois plus que satisfait. Elle porta son regard vers Galatea avec enjouement. L’air suspicieux de son amie à son égard ne lui plut guère.

« As-tu bien dormi cette nuit ? » S’empressa de demander la gardienne d’un ton sec.

Cette voix… ce n’était plus celle qu’elle avait pu entendre durant la nuit. Xena s’était… envolée.

« Euh… »

Gabrielle ressentit un embarras total. Jetant un œil à son état, elle s’aperçut qu’elle était entièrement nue. Elle pensa tout d’abord à une blague de la part de Xena.

« Pourquoi est-ce que tu parles comme ça ? Tu ne m’as jamais parlé comme ça avant ! »

« Je ne te connais que depuis quelques jours seulement… je… je suis désolée… c’est juste que je t’ai trouvée ce matin entièrement nue… et… nous étions toutes les deux enlacées » révéla, d’une petite voix, Galatea.

Pas de doute, Gabrielle ne se trouvait pas en présence de sa princesse guerrière… Comment cela se pouvait-il ? Elle n’avait pas rêvé cette… Un rêve… Cela n’avait pu être qu’un rêve… Sans un mot, Gabrielle enfila ses vêtements qu’elle trouva correctement pliés près de sa couverture. Elle prit ses sais et sortit du campement. Un flot de larmes incontrôlé accompagna sa marche.

Une seule pensée la tourmentait : était-ce le juste chemin que poursuivre celui emprunté auparavant par son amie ? Ce ne serait sans doute pas la seule fois où ce genre de songes lui parviendrait et cette simple idée l’effrayait au plus haut point. Était-ce son châtiment? Vivre avec cette unique pensée: y avait-il une seule chance de retrouver son amante? De par le passé, elles avaient surmonté tant d'épreuves, défiant maintes et maintes fois la mort, se moquant éperdument d'elle. Aujourd'hui encore, l'espoir de passer outre cette fin inévitable la hantait. Et le destin se jouait d'elle. Sa dernière rencontre avec le sosie de Xena en était le témoin.

Ses pas la menèrent inconsciemment à l’entrée d’une clairière ravagée par les flammes. L’esprit confus de Gabrielle ne lui intima pourtant pas l’ordre de fuir ou de rechercher les causes d’un tel sinistre. Alors qu’elle s’approchait de plus en plus des premières vagues enflammées, une main enserra son poignet et la tira vers l’arrière avec une violence extraordinaire. Gabrielle ne réalisa pas tout de suite ce qui se tramait. Elle sentit son corps se défaire de la terre ferme. Lentement, il s'éleva, jusqu'à être recroquevillé naturellement sur lui-même et enserré contre un buste chaud et musclé. La jeune femme leva la tête afin de contempler le visage de celui ou celle qui l'avait tirée de ce mauvais pas. Elle s'attendait à croiser le regard acier de sa nouvelle amie mais il en fut tout autre. Un portrait irréel s'offrit à elle.