Uber - La légende du Chevalier Errant
Publié le 08/01/2009 à 12:00 par xefanfics
Pour le disclaimer, rendez-vous dans la catégorie "Le pouvoir du lecteur", puisque cette fanfiction est une commande de Japlou!
Publié le 08/01/2009 à 12:00 par xefanfics
« Ne vous penchez pas trop princesse, vous risqueriez de glisser! S'exclama une femme potelée.
- Je ne verrais rien si je ne me penche pas suffisamment.
- Vous ne seriez pas enfermée dans votre chambre si vous n'aviez pas désobéi au roi votre père...
- Toujours là pour me sermonner...
- Et puis, je ne vois pas pourquoi vous vous attendez à voir quelque chose maintenant, le tournoi ne démarrera pas tant que le soleil ne se sera pas couché alors...
- Peut-être... Mais ce n'est pas le tournoi qui m'intéresse, plutôt l'arrivée des braves chevaliers qui vont y participer.
- Au lieu de vous concentrer sur des princes étrangers, tentez plutôt de soutenir votre frère aîné. Il s'agit de son premier tournoi.
- Godric? Je le bats à plate couture à chaque entraînement, il ne tiendra pas cinq minutes... »
La jeune princesse inclinée contre le bord du balcon se redressa l'air songeur pour pénétrer à l'intérieur de sa chambre. D'une taille plutôt honorable pour son âge, elle dépassait aisément la majorité des courtisans du château, hommes et femmes confondus. Ses longs cheveux couleur de jais, soigneusement brossés tous les matins par sa servante, Lucrécia, luisaient magnifiquement à la lumière du soleil.
Le Royaume de Carmélide était dirigé d'une main de fer par le Roi Lot, son très impressionnant souverain. De toutes les régions de Grande Bretagne à cette époque sombre de l'histoire, aucun autre monarque ne pouvait rivaliser de par la superficie de ses terres. Aucun autre monarque ne pouvait se vanter d'avoir une fille aussi ravissante. De nombreux princes et héritiers de nobles familles se transportaient régulièrement à Carmélide pour avoir le privilège d'observer à loisir la délicieuse princesse. Son regard turquoise était réputé dans tout le pays pour sa beauté et son caractère onirique. Toutefois, la princesse Cyrielle de son prénom était loin d'être connue pour sa gentillesse à l'égard de la gent masculine. Cette attitude ne convenait guère pour son rang et inquiétait sérieusement sa famille.
A l'aube de ses dix-huit ans, elle serait prête à marier. Le Roi Lot étudiait la question avec la plus grande attention. Choisir un prétendant se révélait être une tâche difficile. Accorder la main de sa fille à un homme riche et puissant? À un héritier de terres voisines? À l'homme choisi par amour?
« Princesse, que faites-vous donc? S'indigna Lucrécia, s'affairant à son travail de broderie.
- Ce que je fais? Tu le vois bien. Je désobéis encore.
- J'aimerai bien voir ça répliqua la servante se postant dès lors devant l'unique porte de sortie. Le Roi votre père a bien précisé que vous n'aviez le droit de sortir par cette porte sous aucun prétexte!
- Et bien, je ne désobéirais pas finalement puisque je compte sortir par le balcon! »
Cyrielle ouvrit l'armoire qui contenait ses vêtements. Elle ouvrit un compartiment secret situé dans le fond du meuble et s'empara d'une tenue loin d'être adaptée pour une demoiselle de son rang.
« Vous n'allez tout de même pas recommencer!
- Je fais ça pour le bien de notre royaume Lucrèce...
- Quelles sornettes racontez-vous encore?
- Je sais très bien ce que mijote mon père. J'ai eu vent de la liste des chevaliers qui allaient participer au concours. L'un d'entre eux, le gagnant est censé être mon futur époux.
- Cela devrait vous plaire non?
- Non, cela ne m'enchante guère au contraire. Je ne laisserai pas un stupide tournoi décider de ma destinée. Viens m'aider à ôter cette robe s'il te plaît. »
Quelques minutes suffirent à métamorphoser la princesse Cyrielle. Vêtue à la garçonne, elle portait à présent un long pantalon de cuir noir surmonté de bottes, un bustier moulant de couleur blanc dont le tissu molletonné soulignait ses formes à la perfection et une longue cape noire enveloppant son corps entièrement se refermant sur la tête par un capuchon. Cyrielle aimait nommé cette accoutrement « la parfaite tenue du rôdeur ».
Elle s'était échappée bon nombre de fois du château à l'aide de cette parade et jamais personne ne s'en était rendu compte. Qui aurait cru qu'une princesse de bonne famille aurait quitté le monde magique de la féminité et de la coquetterie pour s'enfuir au dehors à la recherche de montée d'adrénaline et d'aventures?
« Princesse, vous allez vous attirer des ennuis... s'écria Lucrécia prise de panique, et moi aussi...
- Fais comme si j'étais toujours là. Je n'ai pas le droit de sortir de ma chambre pendant deux jours de toute façon, personne ne devrait remettre ta parole en doute si tu agis avec naturel.
- Et si votre père se ravise et qu'il vous autorise à assister au tournoi?
- Depuis le temps, tu devrais savoir que mon père ne revient jamais sur ses décisions, c'est ce qui fait la force d'un grand suzerain.
- Vous n'avez pas tord sur ce point.
- Aide moi à tresser mes cheveux s'il te plaît. »
Cyrielle retourna encore une fois dans le fond de son armoire et en retira un fouet dont la mèche, d'une longueur formidable, imposait à son utilisatrice une maîtrise parfaite. Elle lança un clin d'oeil complice en direction de sa servante et en un éclair passa par dessus la balustrade du balcon et disparut.
« Miséricorde, faites qu'elle ai raison » fulmina Lucrécia, les mains jointes.
Cyrielle pénétra dans la pièce située à l'étage du dessous, la chambre de son seul et unique frère Godric. Ce dernier était en train de se préparer. Le tournoi allait bientôt débuter, il était hors de question qu'il ne fasse pas honneur à son père, l'un des Roi le plus respecté de Grande Bretagne.
« Pas la peine de rajuster ton col mon frère! Jamais je ne te laisserai participer.
- Cyrielle! Mais que... »
Godric n'avait pas l'allure d'un preux chevalier. Godric n'avait pas le charisme d'un preux chevalier. Godric... n'avait rien du preux chevalier. C'était un frêle garçon âgé de seulement dix neuf ans. Plus petit que sa soeur, il était bien plus fin également. Ses cheveux noirs encadraient un visage angulaire dont les yeux aux tons grisâtres ne contenaient aucune expressivité particulière. Godric avait tout du rat de bibliothèque et rien du prince charmant dont les fillettes rêvent secrètement avant de s'endormir.
« Où se trouve ton armure? Questionna Cyrielle.
- Mon... mon armure? Pourquoi tiens-tu tant à le savoir?
- Parce que je compte combattre à ta place. Ne me dis pas que cela n'est pas de ton goût.
- Combattre à ma place? Répéta bêtement Godric.
- Et si nous faisions un marché? Je te remplace le temps de la joute. Avec ton casque et ton armure, je ne serais reconnue. Je gagne le tournoi et puis... nous interchangeons de rôle. Tu te présentes lors du banquet royal et le tour est joué. »
L'idée était bien trop séduisante pour être refusée. Godric connaissait la valeur de sa soeur au combat. Depuis tous petits, ils étaient inséparables. Et bien que l'éducation d'une jeune fille soit différente de celle d'un jeune garçon, leur père n'avait pu se résoudre à les éloigner l'un de l'autre. De ce fait, Cyrielle avait acquis des facultés propres à un seigneur, exclusivement dans l'art du combat. Quant à Godric, il passait son temps à lire des romans d'aventures et d'amour, passe temps propre à toute princesse qui se respecte.
« C'est d'accord! Mais tu as intérêt à gagner Sissi! Échangeons nos vêtements, je ne veux pas rater le spectacle.
- Tu fais preuve d'intelligence, comme d'habitude mon très cher frère. Je ne te décevrais pas.
- Attends, je vais appeler Garin, c'est lui qui doit m'aider à enfiler mon armure.
- Peut-on lui faire confiance?
- Comme tu fais confiance à Lucrécia. Se contenta de répondre posément le jeune prince. »
Godric sortit de la chambre pour y entrer à nouveau en compagnie de son serviteur particulier. Garin tirait un chariot abritant les différentes pièces d'armure utiles à la joute.
« Qu'est-ce donc que cette armure! S'exclama Cyrielle.
- Ne me dis pas que tu n'es pas au courant? Il n'y aura pas de tournoi à proprement parler.
- Comment ça?
- Et oui, pas de lances! Seulement des joutes.
- Mais alors... commença Cyrielle.
- Il n'est pas question de te trouver un mari, tu as tout compris. Mais c'est trop tard, maintenant que l'affaire est conclue tu me remplaces!
- Tu t'es bien gardé de me le dire...
- Ta proposition était trop belle, tu ne peux pas m'en vouloir.
- Quel est le but de ce tournois alors?
- Aucun. Le divertissement. Pourquoi crois-tu que Père t'aurait laissé enfermée dans ta chambre deux jours durant si tu étais le prix d'un tournoi? Rien de mieux que de t'exposer aux yeux des participants afin de leur donner du courage. »
La joute eut finalement lieu au coucher du soleil. Le Prince Godric, sous les applaudissements de la foule se montra particulièrement compétent et écrasa chaque concurrent direct qui osait s'approcher. Il remporta la joute aisément sous la houlette de son père. Comme convenu, Cyrielle laissa la place à son frère dès lors qu'il fallut retirer son armure. Elle retourna dans ses quartiers docilement empruntant le même chemin qu'elle avait employé pour les quitter.
Lucrécia frémit de soulagement à la vue de la princesse. A grands coups de révérence, elle quitta la pièce, laissant son altesse seule. Cyrielle jeta un bref coup d'oeil à sa chambre. Un grand lit à baldaquins et aux teintures vert émeraude siégeait au centre. Une grande peinture sur toile représentant le Roi Lot entouré de ses deux enfants, était apposée contre l'un des murs. Devant avait été placé un petit sofa à l'assise en velours. Une coiffeuse surmontée d'un miroir magistral se trouvait contre le mur opposé. Enfin, l'armoire royale composée de chêne et de marbre présidait près de la porte d'entrée.
Cyrielle ne voyait pas une chambre mais plutôt une prison. A quoi bon être une princesse si c'était pour passer le plus clair de son temps enfermée entre quatre murs? Son père, un homme sévère la punissait régulièrement, ce qui la confinait inexorablement dans sa chambre. Les raisons de chaque punition? Être allée en ville sans autorisation? Avoir semé le désordre dans la taverne du coin après avoir trop consommé d'alcool? S'être aventurée dans la forêt maudite?
Ce dernier point était à l'origine de sa dernière radiation. Le Royaume de Carmélide comprenait de vastes étendues boisées dont l'une était redoutée de tous. Les anciens parlaient d'une forêt ensorcelée et abritant des créatures de l'ombre. Les plus jeunes aimaient à parler d'une forêt enchantée où des êtres magiques avait élu domicile. Ce qui était certain parmi toutes ces supposition fut le fait que le Roi Lot avait interdit à quiconque d'y pénétrer sous peine d'être pendu sur la place publique. Le bois devait donc bien dissimuler un secret de la plus haute importance. Cyrielle s'était promis de le découvrir.
Publié le 18/01/2009 à 12:00 par xefanfics
Ce soir-là, aucune difficulté ne vint la perturber pour trouver le sommeil. Son mariage n'était plus d'actualité pour l'instant et son père n'avait pas compris qui était le chevalier Godric lors de la joute de l'après-midi. Encore une journée à ne pas pouvoir sortir de cette chambre et tout rentrerait dans l'ordre.
« Non! » hurla Cyrielle se réveillant en sueurs au petit matin.
Lucrécia entra dans la chambre et se tint au chevet de sa maîtresse lui demandant si tout allait bien. La princesse ne put lui répondre immédiatement tant elle était choquée par ce qu'elle avait vu. Depuis quelques semaines, elle rêvait. Des rêves étranges. Elle voyait une jeune femme à la beauté angélique se faire cruellement torturer par des hommes. Non, il ne s'agissait pas réellement d'hommes mais plutôt de créatures y ressemblant de par leur posture bipède, leur visage n'ayant rien d'humain et étant sertis de longs poils soyeux.
« Princesse! Encore un de ces rêves? Osa demander la femme de chambre.
- Il faut croire... Je ne comprends pas ce qui m'arrive en ce moment. Cela va faire une semaine que je fais ce même rêve mystérieux toutes les nuits.
- Toujours à voir la capture de cette jeune femme?
- Oui. Je ne la connais même pas. Et pourtant, quand dans mon rêve je m'approche d'elle pour regarder, elle m'observe de ses yeux verts avec une telle intensité qu'on dirait qu'elle me connaît.
- Votre imagination vous joue des tours.
- Je pense qu'elle attend que je la sauve, je ne vois que cette possibilité, continua Cyrielle perdue dans ses pensées.
- Ah oui? Et pourquoi ne le faites-vous pas?
- Et bien, je ne peux pas m'approcher à moins de deux mètres d'elle. Il y a comme une barrière invisible qui me rend cette tâche impossible. Ce qui est encore plus étrange...
- Oui?
- C'est que chaque rêve est un peu plus précis à chaque fois.
- Ah? Il y a donc des choses nouvelles que vous ne m'avez pas raconté.
- En effet. Je pense que cette femme essaye de me dire quelque chose. Ce rêve est une sorte de message.
- Allons allons, vous n'allez tout de même pas imaginer de telles idioties.
- Peut-être est-elle réelle?
- Elle n'est réelle que dans vos rêves Princesse.
- Elle est... si intrigante... et si... belle.
- Reprenez-vous, vous parlez d'une femme! Pas d'un jeune homme! S'exclama Lucrécia outrée.
- Et alors? Sous prétexte que je sois moi-même une femme je ne pourrais apprécier son charme et sa beauté?
- Oui, tout à fait. Ce ne sont pas des paroles à avoir lorsque l'on est une femme et surtout qui plus est une princesse de haut rang.
- Lucrèce, tu t'emportes bien trop vite. Je ne raconterai pas le rêve dans son intégralité puisque tu le prends comme ça. »
La journée fut bien morne pour la princesse Cyrielle. Décidée à respecter la décision de son père, elle ne bougea pas de sa prison dorée. Passant le plus clair de son temps sur son balcon elle scrutait les petites rues en contrebas à l'intérieur de l'enceinte fortifiée du château. Une scène amusante se déroulerait peut-être sous son regard ennuyé?
Alors que le soleil quittait progressivement son zénith, plusieurs cortèges déambulant dans l'allée principale retinrent son attention. De magnifiques chevaux montés par des cavaliers coquets et parés de leurs plus belles tenues, défilaient lentement sous la houlette des gardes et passants se trouvant sur le trajet. C'en était trop, Cyrielle savait exactement ce que venaient faire ces jeunes seigneurs à Carmélide et cela ne lui plaisait guère.
« Lucrèce! Va à la rencontre de Godric et dis lui de venir me voir immédiatement! »
Quelques instants plus tard, le jeune prince se présentait dans l'encadrement de la porte. D'une nature inquiète, il se demandait pour quelles raisons Cyrielle voulait le voir.
« Godric! Tu fais bien de passer.
- Ce n'est pas comme si tu m'avais fait appeler, très chère soeur.
- Ne plaisante pas. L'heure est grave.
- Ah oui? Cyrielle, l'heure est toujours grave pour toi.
- Je viens d'apercevoir le Prince Kalib, le Prince Richard, le Prince Hamsen, le Duc de Grivor, le...
- C'est bon, j'ai compris... la coupa Godric. Et?
- Le véritable tournoi a lieu demain n'est-ce pas? Lorsque je ne serais plus punie...
- Tu... tu as raison, ne put que confirmer le jeune garçon.
- Mais pourquoi s'acharner ainsi... pesta Cyrielle. Il va falloir que tu m'expliques quelque chose. Tu es l'aîné n'est-ce pas?
- Oui.
- Tu es un homme?
- Oui?
- Tu es l'héritier?
- Euh oui... où veux tu en venir.
- Pourquoi n'est ce pas toi que l'on marrie en premier alors! Ragea ouvertement la brune.
- Je ne sais pas si j'ai le droit de te le dire.
- Tu laisserais ta propre soeur dans le brouillard! Godric, tu m'as habituée à beaucoup mieux!
- D'accord, après tout tu as le droit de savoir. Étant le digne héritier du royaume de Carmélide, ma future épouse a été désignée à ma naissance.
- Ça je m'en doutais bien. Mais je n'ai jamais pu savoir de qui il s'agissait.
- Les alliances entre royaumes sont fortifiées par ce genre de mariage. Lorsqu'un pays voisin devient trop agressif, un mariage permet de stopper toute invasion.
- Je vois ce que tu veux dire. Mais veux-tu bien abréger s'il te plaît.
- Le Royaume de Carmélide impressionne suffisamment les territoires alentours pour en pas être objet de convoitise, bien au contraire. Cependant, il existe bel et bien un secteur hostile à notre monarchie.
- Je ne vois pas lequel.. j'ai beau chercher.
- Le Royaume de Solsta.
- Solsta? Jamais entendu parler...
- Normal, les gens le connaissent plus sous le nom de forêt maudite.
- La forêt maudite? Mais... Mais je croyais qu'elle faisait partie intégrante du Royaume de Carmélide!
- Et bien tu te trompes comme la plupart des habitants d'ici. Pourquoi crois-tu que cette région soit formellement interdite d'accès? Parce qu'elle ne nous appartient pas pardi!
- Es-tu sûr de ce que tu avances?
- Bien-sûr, pourquoi te mentirais-je! Répliqua t'-il.
- Et alors, pourquoi n'es-tu pas encore marié?
- Je suis censé épouser la Princesse Cassilda, fille du Roi Solstein de Romilly.
- Rom... Romilly murmura Cyrielle. Ce nom ne m'est pas étranger.
- Notre mariage aurait dû avoir lieu il y a plus de deux ans de cela déjà. Mais apparemment, Vazille n'a pas respecté sa parole. Père craint qu'il n'attaque Carmélide d'un jour à l'autre.
- Pour un secret, c'est un secret de polichinelle et pourtant personne n'en a jamais rien su et personne ne s'intéresse à ton mariage par la même occasion. As-tu seulement aperçu une fois dans ta vie cette Cassilda?
- Non, rougit Godric.
- Cela ne me dit rien qui vaille. Si Père fait accourir tous ces prétendants c'est qu'il souhaite régler le problème de sa succession au plus vite. Peut-être espère t'il encore qu'une alliance entre Solsta et Carmélide ait lieu... Bizarre...
- Tu veux dire que tu serais l'héritière?
- Si je me marie avant toi peut-être... Et cela ne me plaît guère.
- Le gagnant du véritable tournoi de demain aura le privilège de recevoir ta main comme récompense.
- Tu participes au tournoi?
- Oui, il est de mon devoir d'y participer.
- Comme si je n'étais qu'un stupide trophée... grommela Cyrielle. Père me connaît mal. Je n'épouserai pas un homme que je n'aurais pas choisi moi-même. Tu peux partir, je ne te retiens pas. »
Cyrielle ne parvint à s'endormir ce soir-là. Elle était convaincue intérieurement qu'elle serait capable de mettre au tapis tous ces seigneur crédules à la recherche de gloire. Mais son père ne la laisserait jamais participer au tournoi. Ne pouvant tourner et retourner dans ses draps de soie, elle se résigna à se lever, se para de sa parfaite tenue du rôdeur et passant le balcon, se rendit dans le jardin extérieur. Une dizaine de gardes patrouillaient dans les allées, cela ne l'inquiéta pas pour autant.
Dans son esprit bien que peu éclairci cette nuit-là, s'était propagée la notion de fuite. Si la princesse ne se trouvait présente le jour du tournoi, ce dernier serait annulé. Les nobles s'étant déplacés pour l'occasion repartiraient vexés et ne seraient pas prêts de revenir. Au fond, Cyrielle savait que tous reviendraient avec joie tant sa beauté était réputée dans tout le pays. Quoi qu'il en soit, ce soir serait peut-être le dernier où elle pourrait se vanter d'être libre.
Usant de la plus grande discrétion, elle s'extrait des abords directs du château pour aller se promener dans l'immense citée qui siégeait à ses pieds. La première taverne l'accueillit à grande joie. Elle s'installa à une petite table à l'écart des autres et commanda une bouteille d'hypocras blanc. Ce genre d'escapade nocture l'excitait au plus haut point d'ordinaire, or ce ne fut pas le cas cette fois. Alors qu'elle sirotait son brevage avec despespoir, elle entendit un homme s'exclamer publiquement devant toute l'assemblée que composait la clientèle assortie au personnel de la taverne. A première vue, il semblait ivre tant par sa posture, bancale, que par ses propos, incohérents.
Cyrielle l'étudia plus sérieusement. L'homme, très maigre, n'avait rien de séduisant. Ses cheveux, coupés au bol, gras, luisants, formaient une multitude d'épis. De son visage, enduit d'une poussière noire, brillaient deux yeux couleur noisette. Une sorte de bure terne et grossièrement tissée constituait sa tenue. Une cape, couplée à une capuche à pointe, ornait ses épaules frêles. La serveuse passa à proximité de la table de la princesse et s'apercevant de son intérêt pour le pauvre homme lui souffla à l'oreille: « Ne faites pas attention à Régis le demeuré, il est complètement timbré ».
Cyrielle sourit à l'évocation du titre peu raccoleur attribué à ce bougre.
« Régis le demeuré? Répéta t'elle.
- Vous n'en avez jamais entendu parler? Sérieusement?
- Euh, j'ai bien peur que non.
- La légende du chevalier errant? Le Seigneur Romilly?
- Ah oui je connais ce nom en effet. Mais quel est le rapport avec cet homme?
- Il se fait passer pour son écuyer. »
Cyrielle se remémora mentalement la fameuse légende et se souvint de ce qui se racontait à son sujet. Certains paysans avaient rapporté qu'un chevalier à l'allure enchanteresse errait à l'orée de la forêt maudite. Il n'en était jamais sorti cependant, comme si une barrière invisible l'en empêchait. Malgré cette étrange limite, il avait pour vocation de raccompagner en terres sûres les pauvres gens qui se perdaient par delà les bois.
Quelques fillettes s'étant aventurées dans ce territoire hostile avaient rapporté que cet homme magnifique par bien des aspects avait bravé tous les dangers pour pouvoir les ramener saines et sauves auprès de leur famille pour s'évanouir subitement après cette mission achevée.
Aucune description physique n'agrémentait ce mythe à l'exception de son armure, réputée pour être toute en or et sertie de diamants. On parlait également d'une longue chevelure dorée virevoltant au vent par dessus sa longue cape couleur pourpre et ce, malgré le casque recouvrant la totalité de sa tête. Et ce nom... Romilly, il s'agissait du seul indice qu'osait révéler ce merveilleux chevalier aux personnes qu'il secourait. Y avait-il un lien avec le Royaume de Solsta?
Cyrielle s'approcha de Régis en allant s'accouder au comptoir, tenant sa chope dans la main, afin d'écouter plus facilement ce qu'il avait tant à raconter.
« Heureusement que mon maître m'a à ses côtés! Comment ferait-il face au grand dragon crâcheur de feu qui erre dans la forêt maudite sinon? Lors de notre dernière rencontre, je lui ai crevé un oeil à moi tout seul! De ma propre épée qui m'a été léguée par mon Père Alain le Courageux »
Régis tenta de retirer de son foureau une vieille épée, tordue de surcroit, sans y parvenir. Cette tentative lamentable fut grandement applaudie et accompagnée de moqueries en tous genres. Ce malheureux constituait la risée de l'établissement et il semblait ne pas s'en rendre compte. Cyrielle s'en approcha discrètement et lui murmura à l'oreille:
« Viens donc boire un verre à ma table, tes exploits m'intéressent. »
Il ne se fit pas prier plus longtemps et la suivit sans rechigner.
Publié le 30/01/2009 à 12:00 par xefanfics
« Alors comme ça tu es un serviteur de celui qu'on surnomme le chevalier errant? Questionna Cyrielle d'une voix grave qui se prétendait masculine, le capuchon masquant soigneusement son visage.
- Pour sûr que je le suis! S'exclama fièrement le bougre.
- Et... pourquoi n'es tu pas à ses côtés ce soir?
- Et bien... Rom est plutôt... disons qu'il n'aime pas...
- Que tu le colles tout le temps, compléta t-elle.
- Oh non mon seigneur! Que ferais t-il sans moi!
- Justement, tu vois cette bourse, elle est à toi si tu me conduis jusqu'à cet homme.
- Mais je n'en ai pas le droit!
- Ah oui? Et pour quelle raison? Le chevalier errant n'est il que le fruit de l'imagination commune?
- Ce... ce soir? Demanda t-il inquiet.
- Oui. Ce soir.
- Mais... mais... il fait fort nuit et puis, c'est la pleine lune mon seigneur!
- Et alors? Si tu es réellement son écuyer, tu n'auras pas de mal à me conduire à lui n'est-ce pas? Dans le cas contraire, tu resteras là ce soir à boire comme un pot...
- C'est entendu! Je vous mène jusqu'à lui mais je vous préviens, je ne suis pas responsable de ce qu'il risque de vous arriver! »
Les sourcils froncés, un sourire carnassier se dessina sur les lèvres cireuses de la princesse. Les histoires de prince charmant ne l'avait jamais atteinte auparavant. Et elle était loin de désirer le fameux chevalier servant dans ses rêves ou bien dans la réalité. Cependant, ce chevalier là retint son attention. Il se faisait appeler Romilly. Avait-il un lien avec le Roi Solstein de Romilly et la princesse Cassilda? S'il s'avérait que oui, alors elle en apprendrait plus sur le retard occasioné pour les noces de son fère aîné.
Découvrir par elle-même les secrets du Royaume de Solsta, royaume au premier abord si distant de son propre monde et si mystérieux aussi, devint en quelque sorte une obsession. Que cachait-il de si précieux ou de si monstrueux pour qu'il soit tout bonnement inconnu et interdit d'accès?
Cyrielle sortit de la taverne, accompagné de Régis, sous les regards amusés des clients. Ils se dirigèrent jusqu'à la porte Sud de la ville et passée la muraille épaisse, continuèrent silencieusement, à pied, en direction de la forêt maudite. Cette dernière se trouvait à quatre lieues de la citée de Carmélide. 'Quatre lieux seulement' pensa Cyrielle. Elle progessa si rapidement entre les herbes folles, que Régis, claudicant derrière elle n'arrêta pas de se plaigne continuellement des douleurs dans ses jambes.
« Régis! Accélérons le pas.
- Ne serait-ce pas mieux pour vous ô noble Seigneur de patienter jusqu'au petit matin?
- Non. Rétorqua machinalement la grande femme.
- Je ne connais même pas votre nom mon Seigneur!
- Appelle moi... Godric.
- Go... Godric? Répéta régis. Vous n'êtes tout de même pas Godric de Carmélide?
- Il faut croire que si.
- Ô mon Seigneur! Je... je vous suis tout dévoué.. articula t-il, déglutissant avec difficulté et faisant de ridicules courbettes. Mais pour quelles raisons agissez-vous ainsi mon Seigneur? Si je peux me permettre.
- Je viens récupérer ce qui m'est acquis de droit. Et cesse de m'importuner. Amène-moi à ton maître. »
Les deux silhouettes se retrouvèrent à l'entrée des bois tant redoutés. Régis n'emprunta pas le sentier de terre s'enfonçant dans les ténèbres mais se fraya son propre chemin, bravant les longues branches teigneuses des cyprès et sapins mais aussi les nombreuses ronces qui balayaient le sol. Ils évoluèrent ainsi durant une période indeterminée jusqu'à arriver à l'orée de ce qui semblait être une clairière. Cyrielle se rendit compte qu'elle n'était jamais aussi loin dans le bois défendu.
« Je... Il...
- Qu'y a t'il?
- Mon Maître n'apparaîtra que quand il le désirera.
- Ton Maître? Apparaître ici? Dans cet endroit sauvage et isolé? Parlons nous d'un chevalier ou d'un rustre?
- Libre à toi mon Seigneur d'attendre qu'il daigne se montrer. Si.. tu veux bien m'excuser, je ne peux plus faire grand chose pour toi alors je pense me retirer. »
Cyrielle n'eut pas le temps de se retourner que Régis avait disparu, s'engouffrant dans l'obscurité des bois environnants. 'Il t'a roulée il n'y a pas de chevalier errant' pesta la princesse, s'en voulant de s'être laissée entraînée aussi facilement par un homme que l'on disait demeuré. 'Il n'aurait pas pris le risque d'entrer dans la forêt maudite s'il n'y avait eu un soupçon de vrai dans ses propos. Il n'a même pas réclamé sa bourse'. Finalement, au point où elle en était, rien ne lui coûterait d'attendre un peu.
Elle observa attentivement l'espace alentour. La clairière, faiblement éclairée par les rayons de la pleine lune était encerclée par des pins d'une hauteur vertigineuse. Etrangement, ils n'arboraient pas de verdoyantes branches mais présentaient un aspect sinistre de par leur couleur charbonneuse, comme si un incendie récent avait eu lieu et les avait affecté. Des traces de braises arpentaient curieusement les troncs d'arbres et leur feuillage.
Au centre de cette étendue dont le sol affichaient les mêmes symptômes que la flore, à savoir une multitude d'endroits partiellement ou entièrement calcinés, se dressait une colline constituées de plusieurs blocs de pierre sommairement entassés. Rien n'indiquait dans ce paysage que des hommes et femmes foulaient régulièrement cette terre.
S'adossant contre un arbre, Cyrielle glissa de tout son long jusqu'à atteindre le sol. Par chance, le pied du végétal était serti d'une mousse abondante et de ce fait confortable. L'alcool absorbé au cours de la soirée commençait à faire effet. Son corps se fit lourd tout comme ses paupières qui se fermèrent lentement.
Elle ouvrit les yeux, se les frottant vivement, une lumière éblouissante l'y obligeant. Lorsqu'elle réussit à s'habituer à cet éclat si brutal, il cessa instantanément pour la plonger dans une pénombre glaciale. Elle comprit immédiatement où elle se trouvait sans en connaître la raison cependant. Son rêve se répétait encore et encore. Pourtant, il lui apparut incroyablement net cette fois-ci.
Il se déroulait toujours de la même façon. Elle était assise dans une pièce sombre, aux murs ruisselant d'humidité. Une grille pour seul accès indiquait clairement qu'elle se trouvait dans une géôle. Pourtant, cette grille n'était jamais verrouillée. Elle sortait de cette cellue et longeait un long couloir étroit. Au bout du corridor, une porte en fer s'ouvrait à son passage. A l'intérieur se déroulait une scène sordide.
Elle put cette fois détailler précisément les agresseurs de la jeune femme blonde. Des créatures à taille et postures humaines mais n'ayant rien de plus en commun. Leurs têtes, touffues de toutes parts, étaient celles de chats majestueux. De longs poils fins parsemaient chaque parcelle de leur peau. Un sourire cruel sur leur museau dévoilait de longues dents acérées. Ils s'affairaient autour d'une vieille table de bois ou plutôt... une table de torture. La jeune femme posée dessus avait les mains et les pieds liés par des sangles de cuirs. Son allure angélique contrastait étrangement avec la méchanceté que dégageaient ses offenseurs.
Cyrielle approchait plus près encore jusqu'à ce que ses yeux plongent dans un vert émeraude profond. Les yeux de la jeune captive était braqués sur elle. Malgré l'envie de rejoindre le groupe afin de porter secours à cette étrangère, Cyrielle se retrouvait bloquée par une barrière invisible. Son coeur battait la chamade, et à chaque regard porté vers cette femme au cheveux couleur or, la sensation de la connaître depuis longtemps la parcourait. Elle ne pouvait détourner les yeux de cet ange à qui l'on faisait volontairement du mal. Elle aperçut pour la première fois deux fines oreilles pointues entre les boucles soyeuses de sa chevelure.
'Se pourrait-il qu'elle soit...'
Les hommes chats la déshabillaient avec violence tout en la ruant de coups. Généralement, le rêve s'arrêtait là tandis que Cyrielle hurlait de rage de n'avoir pu sauver la jeune inconnue. Cela ne se passa pas ainsi ce soir là puisqu'elle assista à un étrange rituel. Un homme chat paré d'une robe de prêtre noire était entré dans la pièce et commençait à prononcer ce qui apparut comme une formule magique étrange. Il souleva les bras prestement et une flamme rougeoyante apparut soudainement au dessus de la jeune captive. Une armure d'une beauté inouïe, à la couleur or, voletait au milieu du brasier irréaliste.
La châleur de cette flamme sembla l'atteindre alors qu'une douce châleur s'insinuait peu à peu dans son corps. Cyrielle s'éveilla dans un sursaut, sentant une douleur aigue au niveau de sa jambe. Quelque chose de dur venait de la percuter de plein fouet sans qu'elle n'en devine l'origine. Reprenant peu à peu ses esprits, ce qu'elle vit la stupéfia. Le sol trembla. Cela se traduisit par plusieurs secousses d'une rare intensité. La colline formée par le tas de rochers s'anima sans crier gare, comme si un passage secret était en train de s'ouvrir. Les roches volèrent de toute part, manquant la princesse de peu.
Le sol s'éventra à ce niveau et effectivement, un trou béant fit son apparition. Une forme ailée en sortit à une vitesse faramineuse. Une énorme lueur orangée s'échappa de cette forme. Dans la lumière provoquée, Cyrielle comprit de quoi il retournait. Un dragon à la taille gigantesque venait tout juste de sortir du sol et crachait en ce moment-même des flammes au dessus de la forêt maudite.
Publié le 04/02/2009 à 12:00 par xefanfics
L'énorme lézard volant, quelque peu irrité, comme le démontraient ses mouvements aériens vifs et hostiles, semblait rechercher quelque chose. Sa gueule vissée sur un cou assez long, était penchée en avant. Le monstre effectua plusieurs passages rapides en rasant le sol jusqu'à finalement détecter sa proie. Il fonça, d'un trait, sans un battement d'ailes inutile jusqu'à parvenir à quelques mètres seulement de la grande femme brune.
Le coeur de Cyrielle battait à la chamade alors qu'elle observait, estomaquée, cette créature fantastique, presque irréelle. Bien-sûr elle avait déjà entendu parler de fameuses légendes incluant, chevaliers merveilleux, châteaux maudits et dragons gardiens, cependant, il ne lui était jamais venu à l'idée qu'une telle chimère puisse bel et bien exister. Elle n'avait jamais envisagé d'avoir un jour à se défendre contre une menace aussi dangereuse.
Elle glissa sa main droite sous sa cape, serrant fermement le pommeaux d'une épée, cette dernière méticuleusement cachée dans son étuit sous le tissu sombre. Jusque là, rien n'avait pu arrêter les ardeurs de la jeune princesse, en quête d'aventures et d'exploits toujours plus insurmontables les uns que les autres. Réussir à abattre ce dragon confirmerait sa vaillance et son courage. Ce geste héroïque serait qui plus est considéré comme désintéressé puisque résultant d'un acte de légitime défense.
L'horrible bête cracha un jet de flammes dans sa direction. Elle courrut avec vivacité dans la direction opposée, se ruant littéralement, à découvert, au centre de la clairière. Il était hors de question qu'elle s'engouffre dans les bois même si cela aurait été plus intéressant tactiquement. Non, il fallait que le défi soit à sa hauteur. Sensationnel, remarquable et indiscutable. Une lueur de folie brillait avec fougue dans ses yeux bleus, lui donnant un air dément alors qu'elle esquissait un sourire féroce, se préparant mentalement au pire.
Le dragon se retourna avec difficulté, sa queue fracassant les pins en feu bordant la clairière dans un bruit assourdissant. S'il arrivait à se mouvoir avec une vélocité déconcertante dans le royaume céleste, il en était tout autre dans le domaine terrestre, son poids et sa carrure volumineuse marquant le coup. Enfin, il fit face au corps élancé mais minuscule, comparé à sa propre hauteur, de l'intrépide et déraisonnable jeune femme qui brandissait une lame acérée dans les airs.
De légers nuages vaporeux entouraient le museau de la bête alors qu'elle ouvrit sa gueule encore une fois prête à réduire en cendres tout ce qui se trouvait sur son passage. Cyrielle resta immobile, décidée à en découdre fermement avec cet agresseur enchanté. Une apparition incongrue interrompit ce qui aurait pu devenir un combat des plus mémorable. Sans pouvoir l'expliquer, Cyrielle sentit une présence réconfortante envahir l'étendue dépouillée. Une lumière vive, mêlant des éclats laiteux et azurés apparut entre le dragon élancée et la jeune femme brune.
Cyrielle eut l'impression de ne plus pouvoir bouger ses membres. Ce ne fut pas une impression. Le temps s'était arrêté. Seuls ses yeux remuaient fébrilement alors qu'elle tentait de comprendre ce qui était en train de se passer. Le dragon, la gueule béante, était immobile, comme changé en une statue de cire. Et cette lumière étrange, presque fantômatique redoublait d'intensité, devenant, les longues secondes s'écoulant, de plus en plus étincellante.
Une mystérieuse silhouette se dessina lentement au centre de ce faisceau tumultueux. Une silhouette à l'allure humaine, à première vue et pourtant... Des reflets vifs et dorés perturbèrent encore plus la vision de Cyrielle, déjà affaiblie par l'éclat originel. Elle tint bon, se forçant à regarder coûte que coûte la scène fantastique se produisant sous ses yeux, les paupières de ces derniers se plissant dangereusement mais pas au points de lui obscurcir la vue.
Elle reconnut l'armure couleur or qu'elle avait aperçue quelques minutes auparavant dans son rêve, sauf que cette fois-ci elle ne flottait pas au centre d'un brasier et ne se maintint pas inerte. Une âme se trouvait nanti à l'intérieur. L'armure s'anima au ralenti alors que la lumière investigatrice de cette éruption s'estompait avec douceur.
Cyrielle se rendit compte que la pointe de son épée frottait sommairement le heaume de ce chevalier épique. Ce dernier s'en dégagea usant d'une grâce inespérée, aux vues de la lourde armure qu'il arborait. Fièrement dressé sur une monture immaterielle, cette dernière aux allures surnaturelles ressemblait vaguement à la forme d'un cheval mais n'en avait pas les propriétés charnelles. D'aspect nébuleux, elle apparaissait impalpable au toucher. Le corps du chevalier d'or oscillait ainsi sur ce destrier brumeux.
Il s'avança jusqu'au niveau de Cyrielle avec majesté et d'un bras la souleva prestement, la hissant derrière lui. Une sensation étrange parcourut le corps maintenant réactif de la princesse, sous le toucher délicat. Elle connaissait cet homme, elle sentait comme une connection établie et pourtant... Elle jeta un coup d'oeil à l'emplacement où se trouvait le dragon, pour découvrir qu'il n'avait pas bougé d'un pouce, comme si l'apparition de ce cavalier inconnu l'avait pétrifié sur place.
Même lorsqu'elle s'éloigna de la créature ailée, rien ne reprit vie au sein de cette clairière illuminée par les éclats de l'astre du soir. Elle voulut déposer ses mains sur les hanches de son sauveteur. Le contact avec le métal doré lui glaça le sang tant il était froid. Elle gigota vigoureusement jusqu'à provoquer l'arrêt pur et simple du destrier éthéré. Elle en profita pour descendre et poser les pieds à terre puis s'exclama, affichant son mécontentement:
« Fichtre! J'aurais pu me défendre et l'avoir! »
Pas de réponse.
« Hey! Hurla t-elle, je peux savoir ce qui t'a pris? Je crois que je suis en train de rêver... »
Elle prit sa tête entre ses mains et se massa énergiquement les tempes. La monture irréelle du chevalier tout d'or équipé s'évapora dans les airs tandis que celui-ci virevolta avec aisance jusque à ce que ses bottes se plantent massivement dans la terre poussiérieuse. Il parla d'une voix qui sonnait faux, une voix grave et tonitruante, digne de faire hérisser les poils de n'importe quel homme ou femme normalement constitué.
« Vas maintenant, voyageur, pars vers le Nord et sauve toi de cette forêt maudite. Et souviens toi de mon nom. Lord Romilly.
- M'en aller? Non, non... je ne pense pas »
Le chevalier se tint droit, impassible et inébranlable.
« Parce que tu crois m'avoir sauvée des griffes de ce monstre? Continua Cyrielle, obsédée par l'exploit qu'elle aurait pu accomplir et non par la mission initiale qu'elle s'était promis de mener à terme.
- Retourne dans ton monde, tu n'es plus maître de tes actes et pensées.
- Mais bien-sûr que si! Ce n'est pas un tas de feraille rouillé qui va me dire ce que j'ai à faire. Maintenant excuse-moi, j'ai un dragon sur le feu! »
La brune tenta de contourner son sauveur inopportun afin de revenir dans la clairière terminer ce qu'elle avait commencé.
« Il s'agit d'un sortilège très puissant, prononça calmement l'homme d'or. Tout être humain qui aperçoit le dragon gardien éprouve le besoin soudain de l'affronter, persuadé qu'il aura une chance de l'abattre. Cet enchantement le mène à une mort certaine. »
Cyrielle stoppa net sa course et se retourna précipitamment, réfléchissant aux paroles censées à l'instant soulignées. Pourquoi diable souhaitait-elle vaincre à tous prix ce monstre? Aucune raison convainquante ne trouva la voie de son esprit bien que tout son être ressentait l'envie irrésistible de le pourchasser jusqu'à la mort.
« Je... D'accord se résigna t-elle. Mais je n'en ai pas fini avec toi! Lord Romilly!
- Je pense que si. Ma tâche est terminée.
- Non j'ai de nombreuses questions à te poser: Je ne me suis pas aventurée dans cette contrée hostile uniquement pour le plaisir! Je suis venue uniquement pour te trouver, toi.
- ...
- Régis le demeuré m'a menée jusque dans cette clairière. Au départ, je pensais qu'il s'était moquée de moi mais je constate qu'il a accompli sa mission avec brio. Je doute cependant qu'il soit effectivement ton serviteur. Vous n'êtes pas vraiment assortis... »
Cyrielle scruta, détaillant avec précision, l'attitude du chevalier errant. Ce qui la frappa tout d'abord fut sa petite taille, peut -être une tête et demi de moins qu'elle. Ensuite, la beauté même de son accoutrement la fit frissonner. L'armure dorée et rutilante était incrustée de nombreuses pièces précieuses, des émeraudes d'un vert limpide. La tête de l'homme était soigneusement protégée par un casque, une fine fente visible à l'avant utile pour la vision. S'approchant plus près encore, Cyrielle crut percevoir à la lueur de la pleine lune, deux yeux aux éclats de jade masqués par cette carapace.
Elle comprit immédiatement à qui elle avait à faire. Leur relation était tellement évidente qu'elle ne s'en était pas rendue compte au tout début. Ses idées devinrent claires et limpides.
« Alors... tu sauves les pauvres gens qui s'approchent trop près de ce dragon n'est-ce pas?
-...
- Tu n'es pas très loquace, se moqua t-elle.
- Pourquoi t'intéresses-tu à mon sort? »
La voix avait changé de ton, elle s'était presque transformée, remplacée par une sonorité plus stridente.
« Je viens pour te sauver. »
Cyrielle découvrit son visage en retirant le capuchon qui masquait jusqu'à présent ses traits. Ses longs cheveux couleurs de jais retombèrent négligemment sur ses épaules, tandis que son regard acier fixait profondément l'armure éblouissante.
« Nous nous connaissons je crois, ajouta t-elle avec assurance.
- Tu... tu es cette femme qui a assisté à... »
La voix n'avait à présent plus rien de masculin ni de surnaturel. L'intonation, harmonieuse et précieuse, était bel et bien celle d'une jeune femme.
« Je te vois tous les soirs dans mes rêves, renchérit la grande brune. Et en fait... tu es... ce fameux chevalier errant? Cela n'a pas de sens!
- Je n'ai pas le droit de te parler. »
La voix avait reprit une tonalité assourdissante et virile, comme si l'entité qui se trouvait emprisonnée à l'intérieur de cette cuirasse luttait intérieurement pour s'exprimer.
« Il est hors de question que je t'abandonne! »
Cyrielle s'approcha de ce chevalier mystérieux et se prépara à poser ses mains sur le heaume avec la ferme intention de le retirer. Cela lui valut un mouvement de recul marqué.
« Tous ceux qui s'y sont essayés avant toi ont été foudroyés pour leur impétueuse curiosité. Tenter de voir mon visage consiste à embrasser la mort. Ne t'approche pas! »
La dernière phrase fut dite par la voix douce et féminine, mais alarmée.
« Peu m'importe! »
Cyrielle bondit et se saisit du casque de métal. Une lueur stupéfiante de par sa clarté apparut à l'endroit exact où ses mains étaient posées. Une chaleur exquise emplit son corps crispé. Etait-ce la fin?